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Editorial:

Vivre poétiquement, Art et spiritualité

Chez les grecs le mot poeisis renvoie à une inspiration créative qui donne forme à l’invisible, que cela soit dans l’art, la pensée ou la vie.

Dans le soufisme le mot Tajalli est l’acte par lequel quelque chose de caché se dévoile pour se manifester à la conscience, à la vision intérieure.

De vision intérieure cette manifestation devient, art, pensée, mode de vie et, dans tous les cas, poésie.

Appelant à une utopie chaleureuse nourrie de lien humain Edgar Morin évoque la complexité de l’être humain qui est à la fois être de raison et de passion, de logique et de mythe (dans le sens premier et profond du terme qui renvoie à l’idée de mystère).

Le grand mystique andalous du 13 ème siècle Ibn Arabi a découvert par son expérience spirituelle que l’Utopia dont il s’agit est une réalité tangible bien que non matérielle qui est celle du monde de l’imaginaire ou plus précisément de l’Imaginal (Alamu Al Mithal) qui est le versant invisible de notre monde sensible. C’est par excellence le monde des symboles, des rêves diaphanes et, finalement, de la poésie. Celui dans lequel dit Ibn Arabi « les corps se spiritualisent et les esprits se corporalisent ».

Les réalités de ce monde des symboles est toujours disponible et peut rejaillir sur le nôtre par sa lumière et sa beauté. Il nous appartient d’en être les lieux d’inspiration et d’en recevoir le sens et l’intelligence. Les traditions spirituelles de l’humanité ont su donner forme à cet imaginal dans une poésie du quotidien par un art et une poésie qui se renouvellent sans cesse.

C’est sans doute ce secret qui est au cœur d’une ville comme Fès dont l’âme et la beautés, inscrites dans l’art de vivre, ses demeures et le geste posé et silencieux de ses artisans, nous fascinent.

Cette beauté n’est pas qu’historique, elle est aussi celle du présent où Fès réinvente l’esprit de l’Andalousie. Où des pèlerins de toutes les cultures et de tous les horizons spirituels rencontrent la population fassie pour écouter et partager ensemble des enseignements de sagesse ou des moments de chants extatiques qui sollicitent cette partie invisible de nous-mêmes. Une « Utopia » de l’âme, qui n’aspire qu’à s’éveiller.

Faouzi Skali

Président du Festival